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26 juillet 2012 4 26 /07 /juillet /2012 10:33

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La Révolution industrielle constitua un puissant choc asymétrique pour l'économie mondiale. Les nouvelles technologies apparues en Grande-Bretagne se diffusèrent après un bref délai à ses principaux voisins de l’Europe de l’ouest et à l’Amérique du nord. L'écart relativement modeste en termes de niveaux de revenus qui existait dans la période pré-industrielle entre les principales économies de l’Europe occidentale et le reste du monde laissa place au dix-neuvième siècle à la Grande Divergence. En 1820, les revenus par tête en Europe de l’ouest étaient 2,7 fois plus élevés qu’en Afrique ; en 1923, ils étaient 5 fois plus élevés.

La Révolution industrielle se traduisit par une Grande Spécialisation, marquée par de nettes différences entre le Nord et le Sud dans les spécialisations productives et les flux du commerce international. La Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne, les Etats-Unis et, dans une moindre mesure, les autres pays de l’Europe de l’ouest et de l’Amérique du nord trouvèrent dans les nouvelles technologies un puissant avantage comparatif dans le secteur industriel par rapport au reste du monde. Ce cœur industriel exporta de larges volumes de biens manufacturés à la périphérie et importa de celle-ci de larges volumes de matières premières.

Le défi posé aux économies périphériques était de rejoindre le club des pays industrialisés à forte croissance. Dans ce contexte, si la chute des coûts de transport expose de manière croissante leurs industries à la concurrence européenne, elle leur permet également d’obtenir de moins chères ressources naturelles, essentielles comme intrants dans les processus productifs. Agustín S. Bénétrix, Kevin H. O’Rourke et Jeffrey G. Williamson (2012) ont observé les différentes phases de l’élargissement de l’industrie moderne aux économies en développement avec notamment comme objectif de déterminer quels régimes de commerce international ont favorisé ces dynamiques d’industrialisation. Ils dégagent huit faits stylisés concernant la convergence industrielle de la périphérie sur le cœur aux dix-neuvième et vingtième siècles.

1. La croissance industrielle rapide commença dans la périphérie au cours des années 1870 en Amérique latine et dans la périphérie européenne. Elle se diffusa à l’Asie après 1890 et à l’Afrique et au Moyen-Orient durant l’entre-deux-guerres. Il n’y a pas un modèle d’industrialisation similaire d’une région à l’autre. Si par exemple l’Amérique latine et la périphérie européenne se sont rapidement industrialisées en maintenant leurs barrières tarifaires, l’Asie du dix-neuvième siècle connut également une rapide croissance industrielle dans un contexte d’ouverture commerciale.

2. Bénétrix et alii identifient ensuite l’instant où débute le rattrapage industriel pour chaque région périphérique. Entre 1920 et 1989, les taux de croissance industrielle en périphérie ont été uniformément plus élevés que ceux observés dans les régions meneuses originelles. La convergence de la périphérie européenne et de l’Amérique latine sur le cœur industriel a commencé vers 1870 et elle ne s’interrompit qu’après 1990. De leur côté, l’Asie s’engagea dans un mouvement de convergence après 1890 et l’Afrique et le Moyen-Orient durant l’entre-deux-guerres ; ces trois régions poursuivent toujours leur convergence en fin de période. En outre, Bénétrix et alii remarquent qu’entre 1890 et 1972, le rattrapage s’explique essentiellement par l’accélération de la croissance dans la périphérie ; après le premier choc pétrolier, la convergence universelle de la périphérie sur le cœur industriel est essentiellement due au ralentissement de la croissance économique au sein de ce dernier.

3. Bien que l’Amérique latine ait connu une croissance industrielle extrêmement rapide entre 1879 et 1890, le point culminant de l’industrialisation périphérique se situe dans la période s’étalant de 1950 à 1972. Cette période marque également le point d’orgue de la convergence de la périphérie sur le cœur industriel.

4. La croissance industrielle rapide commença à se diffuser en Scandinavie, dans la périphérie européenne et en Amérique latine avant la Première Guerre mondiale ; en Asie durant l’entre-deux-guerres ; au Moyen-Orient et en Afrique du nord entre la Seconde Guerre mondiale et le premier choc pétrolier ; et enfin en Afrique subsaharienne durant les années quatre-vingt-dix. Les décennies comprises entre 1890 et 1938 virent s’opérer la plus rapide diffusion de l’industrialisation à la périphérie. 

5. Alors qu’une importante littérature empirique tend à montrer que les pays les plus pauvres ne connaissent pas une croissance plus rapide que les plus riches, Bénétrix et alii se demandent si les économies avec un plus faible niveau de production par personne expérimentent systématiquement une plus rapide croissance dans la production industrielle que les économies avec la production industrielle par tête élevée. D’après leurs données, les pays les moins industrialisés ont connu les taux de croissance industrielle les plus élevés statistiquement entre 1920 et 1989 ; cette convergence a été la plus forte entre 1950 et 1972.

6. Les taux de croissance ont été les plus volatiles, ainsi que les plus variables d’un pays à l’autre, durant l’entre-deux-guerres. La volatilité des taux de croissance et leur variabilité entre les pays, après avoir culminé dans l’immédiat après-guerre, ont ensuite très rapidement décliné pour connaître durablement leurs plus faibles niveaux historiques.

7. Les taux de croissance industrielle furent plus volatils dans les zones suiveuses que parmi les régions meneuses à chaque période de l’échantillon, excepté celle s’étalant de 1920 à 1938, les guerres mondiales et la Grande Dépression ayant affecté plus fortement le cœur industriel que la périphérie. Cela confirme l’idée selon laquelle la croissance économique s’avère bien plus volatile dans les pays en développement. La plus forte volatilité apparaît en outre comme un aspect intimement lié à l’activité industrielle.

8. Bénétrix et alii s’interrogent enfin sur la persistance des taux de croissance élevés au cours du temps ; ils cherchent à déterminer dans quelle mesure les pays à forte croissance lors d’une période donnée tendent à connaître également une haute croissance au cours de la période suivante. D’après leurs données, la rapide croissance industrielle de long terme n’apparaît pas avoir été pas particulièrement persistante au cours du vingtième siècle malgré d’importantes exceptions. En l’occurrence, le Brésil, la Bulgarie, la Chine, l’Inde, le Japon et la Russie affichent régulièrement d’exceptionnelles performances en termes de croissance, laissant suggérer aux trois économistes que la rapide industrialisation des BRIC constitue un phénomène aux profondes racines historiques.

 

Référence Martin ANOTA

BÉNÉTRIX, Agustín S., Kevin H. O'ROURKE & Jeffrey G. WILLIAMSON (2012), « The Spread of Manufacturing to the Periphery 1870-2007: Eight Stylized Facts », NBER working paper, n° 18221.

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