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18 mars 2012 7 18 /03 /mars /2012 13:22

bulle

Noah Smith a déniché un intéressant travail de Gadi Barlevy sur l’apparition de « bulles spéculatives », qu'il définit comme ces situations où les prix d’actifs (par exemple, les cours boursiers ou les prix immobiliers) se déconnectent de leurs valeurs fondamentales selon une rapide élévation (boom) suivie par un brutal effondrement (bust). Si cette distinction entre prix et valeur fondamentale limite l’analyse, Barlevy offre toutefois un cadre théorique cohérent avec les récents épisodes observés sur les marchés financiers et le marché du logement. Il formalise ainsi comment les innovations financières adoptées par les prêteurs pour réduire leur exposition au risque peuvent se traduire par une instabilité croissante du système.

Comme nombre de modèles nouveaux keynésiens, celui de Barlevy met en scène des agents rationnels dans un contexte d’information imparfaite. Les potentiels acheteurs d’actifs n’ont pas les ressources nécessaires pour réaliser leur acquisition, ils doivent donc se financer auprès de prêteurs. Certains des emprunteurs sont motivés par la spéculation, or l’information est asymétrique entre les emprunteurs et les prêteurs : les prêteurs ne peuvent pas toujours vérifier quel usage leurs emprunteurs font de leur crédit ou bien ils sont incapables d’évaluer si les prix d’actifs correspondent aux fondamentaux. Le premier cas est fréquent sur les marchés boursiers, où les traders et surtout les gérants de hedge funds déploient des stratégies opaques dans leurs placements financiers, voire dissimulent la composition de leur portefeuille. Le second cas peut notamment correspondre aux marchés immobiliers.

L’auteur précise la relation entre les taux d’intérêt et les prix d’actifs. Si les spéculateurs sont prêts à échanger des actifs à un prix supérieur à leur valeur fondamentale, c’est parce qu’une partie du risque est transférée aux prêteurs. Ces derniers peuvent en réponse accroître leur prime de risque pour couvrir les pertes attendues. Toutefois, les épisodes historiques qualifiés de bulles coïncident très souvent par des conditions de crédit plus faciles. Barlevy va alors montrer pourquoi les taux d’intérêt peuvent, non sans paradoxe, demeurer à un faible niveau dans un contexte de surévaluation des prix d’actifs et de forte spéculation.

Les prêteurs sont disposés à fournir un crédit aux entrepreneurs, mais ils voudraient naturellement éviter de nouer des arrangements financiers avec des agents qui ont l’intention d’utiliser les fonds pour acheter des actifs surévalués. Ils vont alors concevoir un contrat spécifique destiné aux spéculateurs et minimisant leurs pertes. Comme les prêteurs ne peuvent distinguer les spéculateurs des autres emprunteurs, ils vont associer un faible taux d’intérêt à ce contrat pour inciter les spéculateurs à y souscrire. L’environnement devient alors propice à la spéculation.

L’ampleur de la bulle va dépendre du montant de financement auquel les spéculateurs ont accès. Plus ce montant sera élevé, plus les prix d’actifs seront surévalués. La vitesse avec laquelle les prix des actifs s’élèvent dépend quant à elle du risque que leur associent les traders : si les agents perçoivent les actifs comme risqués, impropres à se révéler profitables dans un avenir proche, ils vont les acquérir et s’en dessaisir très rapidement afin de réaliser un profit dans l’immédiat. Les spéculateurs sont tout à fait conscients du risque du l’actif ; pire, ils se porteront d’autant plus acquéreurs de l’actif à un instant donné qu’ils se montrent pessimistes sur la rentabilité future de l’actif. En outre, la spéculation ne peut donc vraiment apparaître que lorsque les prix d’actifs connaissent déjà une surévaluation par rapport à leurs fondamentaux. Le déséquilibre initial va s’amplifier toujours plus rapidement avec l’arrivée de nouveaux spéculateurs. La bulle éclatera lorsque les spéculateurs n’obtiendront plus de financement de la part des prêteurs et ne pourront donc plus leur transférer une part du risque.

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